Mayotte: la vampirisation des esprits colonisés par un régime d’apartheid institué par la République Française

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La compagnie CRS 8 et des policiers du RAID déployés à Mayotte
ont amorcé l’opération « Wuambushu », ordonnée par Paris, qui 
vise à déloger les migrants en situation irrégulière des 
bidonvilles de l’archipel et de les expulser vers les Comores.

Question de fond: que fait donc la France à Mayotte, qui n’est rien d’autre qu’une des îles appartenant historiquement aux Comores???

Y pratiquer des expulsions sauvages des ressortissants des autres îles des Comores (considérés comme des étrangers sur leur propre sol) n’est autre qu’une ségrégation xénophobe d’inspiration coloniale.
Il faut pour cela rappeler qu’il n’y a pas que les Comores qui refusent de reconnaître la souveraineté française à Mayotte. Les Nations-Unies aussi!

Résolution 31/4 des Nations-Unies — adoptée le 21 octobre 1976 par 102 voix contre une seule (celle de la France) et 28 abstentions

 
L’Assemblée générale,
Rappelant que l’ensemble du peuple de la République des Comores, par le référendum du 22 décembre 1974, a exprimé à une écrasante majorité sa volonté d’accéder à l’indépendance dans l’unité politique et l’intégrité territoriale,
Considérant que les référendums imposés aux habitants de l’île comorienne de Mayotte constituent une violation de la souveraineté de l’État comorien et de son intégrité territoriale,
Considérant que l’occupation par la France de l’île comorienne de Mayotte constitue une atteinte flagrante à l’unité nationale de l’État comorien, Membre de l’Organisation des Nations Unies,
1. Condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus, et rejette
a) Toute autre forme de référendums ou consultations … etc etc.
Association NOUS PAS BOUGER

Article paru dans Médiapart 24 avril 2023 à 19h48

À Mayotte, des habitants terrorisés à l’idée d’être expulsés démolissent eux-mêmes leur maison

Dans le bidonville de « Doujani 2 », à Mamoudzou, des femmes et des hommes ont décidé, dès dimanche 23 avril, de déconstruire leur habitat de fortune, anticipant la vaste opération de démolition prévue à Mayotte à partir de ce mardi. « Ça fait tellement mal », dit Malidé, un habitant du bidonville qui se retrouve à la rue avec sa compagne et leurs enfants.

Nejma Brahim / Mediapart.

24 avril 2023 à 19h48

Mamoudzou (Mayotte).– Il faut quitter la route nationale et longer la rue de la Carrière pour observer l’entrée du bidonville de « Doujani 2 », dont les habitations s’étalent sur plusieurs « étages » au milieu d’un paysage verdoyant, au sud de Mamoudzou, la capitale mahoraise. « Voilà, ils ont numéroté toutes les maisons qui doivent être démolies », pointe Faika, une jeune Comorienne qui se bat pour défendre ses droits au logement, avant de bifurquer sur la droite au milieu de la tôle ondulée qui définit ici les murs des « bangas ».

Là, dans ce qui s’apparente à une petite cour où un chaton passe furtivement, Hafssoiti, assise sur un petit banc, prépare des gâteaux faits de coco. Sa maison a été numérotée, elle aussi, surtout parce qu’elle jouxte la route. « On vit ici depuis 2007, on n’a jamais changé de maison », raconte cette mère de trois enfants, dont deux sont nés à Mayotte, et le troisième vit en métropole.

Ce dimanche 23 avril, dans l’une des pièces du « banga », la grand-mère, un pied reposant sur un bidon d’huile vide, est occupée à frire les gâteaux, un tissu traditionnel enroulé autour de sa poitrine. Veuve, elle bénéficie d’une carte de séjour de dix ans, qui la protège de toute expulsion vers les Comores. Hafssoiti a quant à elle une carte de deux ans, renouvelable.

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La mère de Hafssoiti, dans leur banga à Doujani 2 à Mayotte, le 23 avril 2023. © Nejma Brahim / Mediapart.

« Mon mari fait des petits boulots par-ci par-là, on s’en sort comme ça, confie-t-elle. Je suis venue ici pour permettre à mes enfants d’accéder à l’éducation et leur offrir un avenir. »

Mais la quadragénaire est forcée de le reconnaître, elle se sent ici comme une « étrangère », dans un contexte où Gérald Darmanin – comme d’autres – fait le lien direct entre immigration et délinquance, planifiant une vaste opération de démolition dans les quartiers informels de Mayotte et d’expulsions vers les Comores.

Sur la tôle derrière elle, les rêves de ses enfants sont marqués au feutre noir, comme gravés dans la roche. « Passer le bac », « Encouragez-moi », « Réussir ma vie inchallah (si Dieu veut) ».

 

Un courrier leur demandant de quitter les lieux avant le 15 avril

Hafssoiti a longuement hésité à détruire elle-même sa maison, puisque l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), un opérateur d’aménagement urbain et rural partenaire des collectivités, lui a explicitement demandé dans un courrier non nominatif de « quitter la construction » avant le 15 avril 2023, « date butoir retenue pour procéder à la démolition par l’entreprise en charge des travaux ».

« Des gens sont repassés nous voir, après ce courrier, et m’ont dit de ne pas la démolir tant que je n’aurai pas eu de solution de relogement, dit-elle en se mordant la lèvre, retenant les larmes qui ne demandent qu’à s’échapper. Mais ils vont venir demain pour tout démolir. Je ne sais pas quoi faire, je n’ai pas où aller. »

« On n’est pas chez nous ici, on est de la Grande Comore. On est venues pour une vie meilleure, commente Faika en quittant la famille désemparée. On nous maltraite puisqu’on veut démolir nos maisons et nous chasser du territoire. »

Plusieurs familles à la rue

Elle n’a aucun doute là-dessus : les tractopelles débarqueront le lendemain matin, aux aurores, pour raser toutes les maisons déjà numérotées. De l’autre côté de la route, elle remonte la colline et s’enfonce dans les entrailles du bidonville, vagabondant de rocher en rocher, s’appuyant parfois sur des pneus emplis de terre faisant office d’escaliers.

Tout en haut, la silhouette de Kassim, un Comorien de 28 ans originaire de l’île d’Anjouan, s’agite de gauche à droite, transportant tantôt des poutres en bois, tantôt des effets personnels. Il vient de passer la journée à démolir sa propre maison, dans laquelle il vivait depuis neuf ans.

« Je suis rentré la semaine dernière et j’ai trouvé ma maison numérotée. Je suis allé aux bureaux de l’Epfam pour voir ce qu’il se passait. »

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Kassim a passé la journée à démolir sa maison, angoissé par l’opération de démolition annoncée à Mayotte. © Nejma Brahim / Mediapart.

L’homme aurait donné les informations le concernant – il a un titre de séjour, travaille en tant que maçon, a deux enfants français –, mais il n’a plus de nouvelles depuis. « Ils devaient transmettre mon dossier aux associations pour me trouver une solution de relogement. »

Ce soir, poursuit-il, il ne sait pas où il va dormir. Ses enfants sont juste là, dans les allées en tôle du bidonville : vont-ils dormir dehors ? « C’est trop d’angoisse, la tension monte. J’ai même mis un casque anti-bruit pour me protéger du bruit des démolitions, car ça me stressait trop. »

Près de lui, Malidé, 36 ans, observe ses vêtements couverts de terre et refuse qu’on le photographie ainsi, considérant être « trop sale ». Installé à Mayotte depuis sept ans et originaire de Moroni, aux Comores, le père de famille dit s’être senti « obligé de démolir lui-même [sa] maison et de quitter les lieux ».

« Ça fait tellement mal. Ma femme et mes enfants se retrouvent à la rue. On ne nous a proposé aucune solution. Les enfants, on doit les protéger, peu importe qu’ils soient français ou étrangers », souligne-t-il, s’interrogeant sur la notion des « droits de l’homme », tant vantée en France. Lui et sa compagne ne sont pas en situation régulière.

Ils craignent un renvoi vers les Comores, alors que l’un de leurs enfants est très malade du cœur. Il devrait être contrôlé tous les six mois à l’hôpital, mais la mère, qui redoute les contrôles d’identité aux abords des établissements de santé, l’emmène de moins en moins. L’avenir est « très incertain » dans de telles conditions, soupire-t-il.

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Les restes de la maison de Kassim, à Doujani 2. © Nejma Brahim / Mediapart.

« Moi, ce soir, je vais dormir à la mosquée », lâche son voisin, qui pointe du doigt ce qu’il reste de sa demeure, qu’il a lui aussi « décasée » dimanche. Âgé d’une vingtaine d’années, il semble désespéré et se montre peu bavard. Le regard vide, celui qui était venu à Mayotte pour « vivre mieux » confie à demi-mot songer à « rentrer dans [son] pays natal ».

« Ici c’est bien, mais on nous dit de partir, alors je n’ai pas vraiment le choix. » Sans papiers, il risque à tout moment un contrôle d’identité, à l’heure où la gendarmerie intensifie ses déplacements aux abords des bidonvilles pour demander à voir les cartes d’identité ou de séjour des habitants.

Une partie des personnes sans papiers a d’ailleurs déjà fui les bidonvilles, par crainte d’être expulsées. Ce soir, à Doujani, l’incertitude règne toujours. « On est très en colère », s’agace Faika, précisant que celles et ceux qui ont détruit leur maison ont passé « la nuit dehors ». Ce lundi matin, les tractopelles ne sont pas venues.

« Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de proposition d’hébergement pour nous. On n’a aucune nouvelle de l’Epfam ou de la préfecture », regrette celle qui s’est installée parmi les premiers à Doujani 2, en 2014, et dont le corps est encore marqué par l’explosion d’un réchaud à pétrole, ici même, qui lui a causé de multiples brûlures. Elle continuera de se battre au nom de ses proches et de ses voisin·es, jure-t-elle.

Nejma Brahim, Médiapart

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