Une protection immédiate doit être accordée aux anciens interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française

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Alors que les talibans investissent Kaboul, il ne reste que quelques heures pour que la France évacue ceux qui l’ont naguère aidée et sont, de ce seul fait, en danger de mort, alerte, dans une tribune au « Monde », un collectif d’avocats mobilisés pour obtenir leur protection.

Alors qu’au moment où ces lignes sont écrites, les talibans sont entrés dans Kaboul, provoquant la fuite du président Ashraf Ghani et la fermeture de nombreuses ambassades occidentales et de leurs services consulaires, il est impératif et urgent d’offrir une protection aux interprètes et auxiliaires afghans qui se sont exposés à des risques considérables pour notre pays.

Ces hommes et femmes ont été employés par l’armée française en tant que traducteurs, magasiniers, cuisiniers ou chauffeurs pendant sa présence en Afghanistan. Depuis le départ de nos forces armées, seule une partie d’entre eux a pu obtenir des visas pour la France. Les autres se sont, pour la plupart, maintenus en Afghanistan où ils sont perçus comme des traîtres par les talibans et par certains de leurs compatriotes pour nous avoir apporté leur concours.

Les démarches juridiques visant à permettre à ces Afghans d’obtenir des visas se sont systématiquement heurtées au refus déloyal et acharné du ministère des armées et sont aujourd’hui bloquées, ce d’autant plus du fait de la fermeture des services consulaires, y compris au Pakistan voisin. Seule une décision politique apparaît désormais susceptible d’offrir un motif d’espoir à ces hommes et ces femmes qui paient lourd le tribut de leur engagement à nos côtés.

Une situation urgente

Les exactions commises par les talibans tout au long de leur offensive foudroyante laissent craindre le pire pour les anciens interprètes et auxiliaires, dont l’un d’entre eux, Abdul Basir, a d’ailleurs été assassiné par les insurgés le 22 juin dernier. A l’instar des purges réalisées en 1996 à la suite de l’assassinat du président Najibullah et de leur prise de Kaboul, les talibans seront impitoyables avec ceux qui ont collaboré avec les puissances étrangères. Les menaces et les risques pour leurs vies ne sont pas hypothétiques, mais bien réels. Ils sont identifiés par les talibans et représenteront des proies faciles pour en faire des exemples et asseoir leur nouvelle autorité.

Conscient du risque exceptionnel qui pèse sur tous ceux qui ont collaboré avec la France, le ministère des affaires étrangères a ainsi organisé le 10 mai une opération permettant aux Afghans ayant travaillé pour notre ambassade à Kaboul d’émigrer en urgence, dispositif dont ont été exclus les anciens interprètes et auxiliaires de l’armée. Cette opération d’émigration, organisée par le gouvernement français trahit à elle seule l’urgence qu’il y a désormais à protéger tous ceux qui se trouvent en danger du seul fait d’avoir collaboré avec l’Etat français.

La France a également décidé le 12 août de suspendre les expulsions de migrants vers l’Afghanistan, compte tenu de la brutale dégradation du contexte sécuritaire du pays. Alors que les Etats-Unis et le Canada se sont engagés à rapatrier leurs anciens interprètes et auxiliaires, et que l’Union européenne ainsi que le Royaume-Uni assurent mettre tout en œuvre pour assurer la protection de leur personnel afghan, il est urgent que la France évacue ceux qui l’ont naguère aidée et qui seront voués, sans notre soutien, à une mort certaine. Une protection immédiate doit être accordée aux anciens interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française.

Dans une vidéo de campagne publiée sur les réseaux sociaux le 16 février 2017 [intitulée « Colonisation : le courage de dire les choses »], Emmanuel Macron comparait le sort des harkis à celui des interprètes afghans et reconnaissait que l’Etat avait commis « une faute » à l’égard de ces derniers. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques heures pour la réparer.

Signataires : Affef Ben Mansour, avocate au barreau de Paris ; Romain Chilly, avocat au barreau de Paris ; Camille Escuillié, avocate au barreau de Paris ; Clémence de Folleville, avocate au barreau de Paris ; Fabienne Griolet, avocate au barreau de Paris ; Magali Guadalupe Miranda, avocate au barreau des Hauts-de-Seine ; Alexandre Lourimi, avocat au barreau de Paris ; Antoine Ory, avocat au barreau de Paris ; Fleur Pollono, avocate au barreau de Nantes ; Laurent Pouvreau, avocat au barreau de Paris ; Audrey Thiebaut, avocate au barreau de Paris.

Collectif

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